Les ACV, piliers d’une nouvelle TVA
Sur le principe du pollueur-payeur, et tout en préservant la compétitivité, des chercheurs préconisent le remplacement de la TVA par la DaVAT. Une Taxe sur les Dommages et la Valeur Ajoutée, basée sur les analyses de cycle de vie et commune aux pays membres de l’Union européenne.
La réforme de la TVA adoptée par le Parlement européen fin 2018, se met en place progressivement. Entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2022, un ensemble de mesures permettront notamment d’améliorer « la clarté transfrontalière ». En d’autres termes, l’Europe excédée par les fraudes à la TVA compte bien récupérer les 50 milliards d’euros annuels[1] qui lui échappent.
Au-delà de l’évolution législative et fiscale, cette réforme a été l’occasion d’évoquer d’autres formes de TVA comme celle modulable en fonction de l’impact environnemental des produits et des services.
Le sujet n’est pas nouveau. En 2011 déjà, la Fondation 2019, faisait la promotion d’une TVA circulaire. Fin janvier 2019, cette même fondation révélera les résultats d’un projet de modélisation expérimentale intitulé ModExt, cofinancé par l’ADEME et piloté par Evea. Sa finalité ? Développer une méthode de monétarisation différentielle d’externalités environnementales à partir d’analyses de cycle de vie.
Les précédents de peu, et allant dans le même sens, des chercheurs publiaient en novembre 2018, dans « The International Journal of Life Cycle Assessment »[2] le fruit d’une étude[3] sur la «DaVAT», une taxe sur les Dommages et la Valeur Ajoutée.
Il s’agit d’encourager la durabilité de la production de biens et de services avec un taux de TVA variable selon que le produit nuit gravement à l’environnement et à la santé humaine (taux élevés) ou au contraire, que ses impacts sont réduits (taux faibles). Pour l’évaluer, les chercheurs proposent aussi comme indicateurs, les Analyses de Cycle de Vie (ACV).
Un seul résultat d’ACV serait obtenu en agrégeant les impacts du produit/service sur :
- la santé humaine
- la diversité des écosystèmes
- les ressources naturelles
La taxation serait proportionnée au regard de critères dits « objectifs », évacuant ainsi tous risques de discrimination. Raison évoquée en 2008 par la Commission européenne pour rejeter la proposition de baisse de la TVA sur tous les produits de consommation dits «propres».
La Commission européenne n’a pas manqué de relayer cette nouvelle étude[4]. Faut-il y voir un signe ?
Une formule évolutive et applicable par tous
La DaVAT reposerait sur trois indicateurs clés :
- TVA uniforme (UVAT): mise en œuvre en appliquant la TVA – ou les taxes à la consommation en général – à tous les biens et services et en réduisant les taux multiples à un seul taux bas (par exemple 3%) appelé UVAT.
- Global Dam Tax (GDT): implémenté en ajoutant à UVAT une taxe à l’unité, GDT, calculée sur la base des impacts environnementaux estimés par des ACV spécifiques ou génériques.
- Impôt sur les dommages spécifiques (SDT): afin de refléter les préoccupations environnementales, sociales ou éthiques propres à un pays, un autre impôt sur les dommages (SDT) allant au-delà du bilan ACV est proposé.
Ainsi, la DaVAT serait la somme de UVAT + GDT + SDT.
Les auteurs de l’étude insistent sur un principe clé de la démarche : son évolution. Pour maintenir les recettes fiscales, le taux d’UVAT reste maniable. Dans la même logique, la GDT est ajustée en fonction des développements de connaissances des ACV. Par ailleurs, tous les pays de l’Union peuvent l’adopter.
La DaVAT en pratique
Les chercheurs préconisent la création d’un organisme de réglementation de la TVA, instance de supervision.
Pour les produits et services, n’ayant pas encore d’ACV, un score environnemental serait appliqué et révisé tous les 5 ans.
Aujourd’hui, le projet DaVAT ne demande plus qu’à être lancée. Quatre étapes sont nécessaires : établir une base de données d’ACV, affiner la méthode d’ACV utilisée, modéliser les coûts de mise en œuvre et effectuer une analyse après la création de la base de données.
Il faudra aussi et surtout réussir à débattre du sujet dans une Europe pour qui la fiscalité environnementale reste délicate.
A suivre donc…
[1] https://ec.europa.eu/taxation_customs/business/tax-cooperation-control/vat-gap_fr
[2] The International Journal of Life Cycle Assessment
November 2018, Volume 23, Issue 11, pp 2217–2247
[3] Timmermans, B. & Achten, W.M.J. Int J Life Cycle Assess (2018) 23: 2217. https://doi.org/10.1007/s11367-018-1439-7
[4] News Alert Issue 516, 15 November 2018 – Science for Environment Policy